Thierry Guelff : Trail Matheysin 2012
Trail Matheysin
22km, 1100 D+, la gamelle
Après une interruption hivernale de trois mois pendant laquelle j’ai soigné mes bobos de la saison 2011 (syndrome rotulien…), je décide comme test d’aptitude en vue du Maratrail de Lans en juin de m’aligner sur la ligne de départ du Trail Matheysin de mai 2012.
Au début de la course tout va bien…
….Au milieu tout va mieux…
…Et puis il y a le vingtième kilomètre.
La pente est assez douce, le chemin en terre battue est bien dégagé.
Une concurrente me rattrape.
Je fais de grandes enjambées mais me range sur le coté droit, frôlant le bas-coté où les herbes folles cachent … une petite branche coupée.
Mon pied droit est stoppé net, j’ai même l’impression qu’il est projeté en arrière.
Evidemment je suis projeté en avant. J’ai juste le temps de me dire que si j’atterris à plat sur les cailloux on ne va pas me reconnaître.
Alors je lance mon bras droit pour tenter un roulé boulé.
La topographie est contre moi, une petite bosse me bloque instantanément mon épaule.
Le contact avec la planète est rude, je reste au sol, groggy.
La concurrente s’est arrêtée et me demande si elle doit appeler les secours. J’ai le souffle court, mais ne ressent aucune douleur.
Je passe alors doucement un doigt puis deux sous le col de mon tee-shirt pour vérifier ma clavicule. Il n’y a plus de creux sur ou sous clavière, seulement une ENORME bosse.
– « Appelez les secours » dis-je.
Les concurrents qui arrivent successivement s’arrêtent et s’enquièrent de mon état.
L’un deux se propose de remonter vers le poste de secours que nous avons dépassé peu avant.
Un autre a une meilleure idée : faire passer le message :
– « Appelez les secours ! ».
Le message est donc transmis et je l’entends remonter la pente.
Les concurrents ne cherchent pas à comprendre.
Dès qu’ils l’entendent, ils s’arrêtent, se retournent, et le fond passer à plein poumon.
Je ne sais pas si cette méthode est spontanée ou habituelle en Trail, mais elle est efficace.
Après quelques minutes j’entends un nouveau message revenir vers moi de plus en plus fort :
– « les secours arrivent ».
Je dis à la femme témoin de rester prés de moi, elle pourra éventuel-lement décrire la situation aux secouristes si je pars dans les vaps.
Les autres reprennent la course.
La voiture des secouristes arrivent.
La témoin me demande si elle peut repartir. Je lui dis :
– « Oui merc… » elle est déjà repartie.
Les secouristes immobilisent mon bras, confirment le diagnostic par une palpation délicate mais que je sens quand même bien (ça doit encore résonner dans les montagnes).
Ils appellent les pompiers et me remontent jusqu’à la route.
Vingt minutes plus tard le véhicule rouge est là.
Merci les secouristes.
Un quart d’heure plus tard je suis aux urgences de l’hôpital de La Mure (de l’Amour ?).
Merci les pompiers.
Une heure plus tard j’ai été ausculté, radiographié, électrocardiogrammophié, et du sang pompé.
Merci les urgentistes.
Anecdote, les urgentistes ne voulaient pas me « relâcher ».
En effet les analyses sanguines indiquaient un taux élevé de troponine, des protéines qui caractérisent la nécrose des fibres cardiaques.
Ils pensaient donc que ma chute était consécutives à une crise cardiaque.
Bon ce petit malentendu dissipé, j’ai pu regagner mon domicile quelques heures après.
Verdict : la clavicule est plus que cassée, il y a plein d’éclats d’os.
On me conseille d’aller le lendemain aux urgences de l’hôpital Sud de Grenoble plus habituées à traiter ces traumatismes.
Le lendemain le spécialiste m’informe de la nécessité d’une opération (curage des bris d’os et pose d’une plaque de renfort), sinon je risque de perdre en mobilité, ce qui pour un sportif, qui plus est guitariste, serait ennuyeux.
On m’opère dans la foulée, et deux jours plus tard je suis de retour chez moi.
Je garderai la plaque métallique pendant un an, m’interdisant ainsi de faire du sport (ce qui ne m’empêcha pas de courir mon premier Maratrail, gravir le mont Aiguille, faire un triathlon, mais CHUT…).
Ce récit exhaustif un peu long est à mon avis utile
car il montre la réaction exemplaire des Trailers,
la bonne organisation des secours et
donc de l’organisation de course.
Les chaines humaines et techniques
ont été efficaces dans mon évacuation.
J’ai tenu les organisateurs au courant de la suite médicale des opérations, j’ai reçu des messages de sympathie, et été invité l’année suivante à remettre le couvert (sans la gamelle).
C’est vraiment bien le Trail !
Post scriptum :
Ne voulant pas rester sur cette mésaventure, j’ai recouru ce Trail en 2013, 2015 (mon meilleur classement ITRA, 526), et en 2018 en format SkyRace (comptant pour le championnat de France).
Non mais !
– Thierry Guelff