Vincent Maillocheau : L’Échappée Belle, 149 km pour traverser le massif de Belledonne (21 au 23 août 2020)
Installez vous confortablement et prenez par à l’aventure grâce au récit de Vincent ;-).
Temps de lecture estimé : 15 – 20 minutes
Vendredi 21 août 2020 – “On the departure board – Flight EB149” !
2H30 ( !), réveil… J’ai de la chance d’être un local et de ne pas avoir besoin de prendre la navette qui part de l’arrivée à 1H00 du matin ! Petit déjeuner consistant…ça va griller de la calorie !
Le sac de délestage qui m’attendra au Pleynet et à Super Collet est énorme et j’ai du mal à le fermer. Beaucoup (trop) de nourritures, de liquides, de fringues, 2 paires de pompe en rab et un bâton de rechange…au cas où..
Liess, ami de Grenoble Trail, grosse expérience en ultra, avec qui j’ai fait plus de 80km de reconnaissance de l’EB sans mollir… et son co-duo me récupèrent pour rejoindre Vizille.
No stress, juste de l’excitation… c’est l’avantage des trails longs : on a le temps de gérer. Rien à voir avec mon sport de toujours l’escalade où, comme un skieur qui rate une porte, une prise oubliée au dernier moment peut gâcher un run et une journée !
Une prépa assez sérieuse pour une fois, avec du fractio à gogo (côte et plat) dans le kilomètre règlementaire du confinement puis de nombreuses sorties longues rando-courses dans Belledonne et une 1ère place en M4 du 40km de la Christolaise, avec ses 3200m de D+. Les vacances en famille les pieds dans l’eau qui ont suivi ont malheureusement vu disparaître en un bloc la super corne lentement obtenue pendant la prépa… Mauvais présage, la peau de bébé n’est pas ce qui se fait de mieux pour un ultra… ! Une inquiétude : depuis le confinement une douleur sous le pied droit est apparue et me gêne … craintes que la durée de l’effort n’arrange pas les choses…
Parc du château de Vizille, à 4H on entend le départ de la 1ère vague, celle des ’élites’, nombreuses du fait des annulations en cascades. On est dans la 2ème sur 5, chacune d’environ 110-120 coureurs, séparées les unes des autres d’une demi-heure cause covid19. Surpris d’avoir été mis dans la vague derrière l’élite. Flatteur, mais montre peut-être que l’EB c’est aussi pas mal de traileurs qui font plus de montagne que de compétitions avec points ITRA à gagner… Après coup à choisir j’aurai préféré partir plus tard, ça évite de penser aux centaines derrières… et surtout pour arriver au Pleynet à une heure plus tardive où j’aurai pu m’endormir !
Tenue légère comme j’aime : casquette, petit tee-shirt, short, chaussettes basses et mes Hoka (Evo Mafate) à l’amorti adapté à cette méga-distance,. Ce sera ma panoplie de toute l’Echappée Belle (oui, je suis Breton), sauf au dernier ravito où Christopher me passera un tee-shirt à manches longues pour m’éviter d’ouvrir le sac. Dans le sac tout le matos requis (tee-shirt de rab, polaire, goretex, pantalon, gants, couverture de survie, trousse à pharmacie, etc) qui ne servira pas, tant mieux ! Et bien sûr montre, bâtons (comme quasi tous les coureurs) et la frontale pour les 3 nuits… Le ‘tit pipi rituel je rejoins la zone de départ.
Plus de 7 mois après l’inscription et son tirage au sort favorable, et exactement 3 ans après mes débuts en trail…à nous Belledonne et ses 149km et 11400m de D+ ! Ze objectif de l’année, voir plus car il n’y a pas tant d’ultras mythiques aussi techniques… et dans un superbe massif (pratiquement aussi beau que les Ecrins..) que je vois tous les matins depuis chez moi ! Motivation au max…
Vizille – Ravito 1 Arselle – Quittons cette sombre vallée !
Go ! Masque retiré dès la ligne franchie. A chaque ravito il faudra le ressortir et s’alcooliser (les mains !). on part tous assez vite sur le plat, mais sans plus. Au briefing l’organisateur a répété le mantra de la course : ‘Avec plus de 50% d’abandon un seul mot d’ordre : Gestion Gestion’ … Dès que cela monte je comprends que Liess n’est pas là pour rigoler.. je le laisse filer, on a tout de même 1600 m de D+ en amuse-bouche !… . J’avance sans forcer… normal je suis tout frais ! Nuit et forêt, ce n‘est pas la plus belle partie du trail, il faut bien rejoindre les sommets… On entend le départ de la 3ème vague. Le jour se lève dans la montée après la réserve du Luitel, beaucoup de traileurs autour de moi. Ambiance concentrée et sympa
7H, juste avant le ravito Christine, Flo et Marc sont là ! Super sympa de s’être levé aussi tôt ! Malheureusement Christopher est retourné à sa voiture car il a oublié ma bouffe et ma boisson que je lui avais laissé, il pensait avoir de la marge sauf que j’ai une demi-heure d’avance sur l’heure donnée… je l’attends un peu puis je file me rabattre sur le ravito succinct.
Arselle – R2 La Pra – On ‘entre en montagne !’
Direction les lacs Achards, pour une fois déserts en cette heure matinale… Je rattrape un couple équipé d’étonnants énormes bâtons jaunes, partis vague 1 et en mode surchauffe. Suis un peu rapide jusqu’au col de la Botte. Accueil sympa au col, cloche alpine, vue sur les sommets à venir… Ca y est, on y est, on « entre en montagne » Yess ! Les premières descentes techniques : contrôle-contrôle, petits pas rapides, éviter la chute….Les lacs se succèdent en peu de temps : après les lacs Achard, les lacs Roberts, Léama, Longuet, Claret,.. au total plus de 30 sur le parcours.
En vue du refuge de La Pra je trottine sur le plat avant le ravito pour faire comme si…
9H20 : ravito comme prévu cause covid : que des boissons. Refuge à l’ombre, très frais…je ne reste pas !
La Pra – R3 Jean Collet – Tutoyons les sommets… ou presque !
Efficace dans la montée aux lacs du Doménon. Dans la partie raide qui les suit je double un duo dont un a un coup de mou, discussion avec le 2nd.. qui finira en solo. On croise les premiers qui redescendent à fond ! De la vieille neige, le soleil apparaît, il fait encore frais. L’ascension de la croix passe à gauche pour faire une boucle, évidemment caillouteuse, légère sensation de fatigue. J’échange avec un traileur dont la gestion n’a pas l’air le point fort « suis parti dans la 2ème vague et comme ça allait super bien j’ai boosté et j’ai très vite rattrapé la vague 1.. en revanche là je me sens un peu crevé » ! Je vois Liess qui en a fini avec la Croix.
Peu de monde à la Croix de Belledonne, point culminant de l’EB, 2926m, à peine moins que le Grand Pic point culminant du massif, que j’ai déjà gravi en mode trail bien gazeux. Je ne traîne pas et trottine sans forcer jusqu’au col de Freydane, à moi de croiser ceux qui montent !
Commence alors la section bien technique que je connais et aime bien sur le Lac blanc. Terrain raide sympa (plus terre que blocs), assez rapide. Good news : je m’aperçois que si la douleur au pied droit était présente au début elle a depuis disparu.. sans doute anesthésiée …! Le lac laiteux à souhait puis le D+ léger avant le refuge de Jean Collet est avalé dans la perspective du ravito !
12H20 : ravito pas très covid faute de place : une fenêtre pour donner ce que l’on veut mais les coureurs s’entassent sur le peu d’espace. Je me pose 15 minutes (contre moins de 5 minutes aux deux premiers) et remets de la NOK car les pieds à la peau de bébé chauffent déjà !
Jean Collet – R4 Habert d’Aiguebelle – La dégustation « AOC cailloux de Belledonne » continue !
La reprise sous le soleil est assez lente, je suis en terrain connu. Une fois monté au col de la Mine de Fer je rejoins la brèche de la Roche Fendue en passant à travers cette zone lunaire de gros blocs… Au col un bénévole tend un paquet ventru d’Haribos … Dans la descente (une des plus techniques des 149km) je double un gars tout déconfit par la technicité et la vitesse forcément bridée (« je ne m’y attendais pas du tout »). La chaleur est là. La longue traversée qui suit est magnifique, entre la vue dégagée sur de nombreux massifs, le terrain d’alpage, les rhodos et les myrtilles .. dont je profite rapidement. Les 2 coups de cul peuvent démoraliser mais je les connais. Au dessus du lac du Pas de la Coche l’option baignade (comme lors du week-end du club en 2019) est abandonnée.. serait une perte de temps et trop tôt dans la course.. et personne ne le fait !
Du col j’arrive rapidement au ravito.
15H, son protocole s’avère un peu complexe : si comme moi on veut commencer par boire de l’eau il faut aller au 3ème stand en bas puis ensuite refaire le circuit pour revenir au premier pour grignoter ou au second pour une soupe. Arrêt assez court. Je fais le plein car le prochain ravito est à près de 5H. C’est ici que Christine, qui semblait hors forme lors de la reco avec Liess et Naxto (qui lui est sur les 60km) sera arrêtée par les barrières horaires ! Je suis bien en avance sur mon roadbook, je pense utiliser cette avance pour dormir vraiment au Pleynet…
Habert d’Aiguebelle – R5 Le Pleynet – Grillade de couenne en altitude !
Il fait chaud à la reprise, je gère les grands zigzags en prévision de la suite ! On passe au petit lac du Vénétier, magnifique, très tentant de plonger dedans car on commence tous à fondre…faudra revenir. Pas de quoi mollir dans la partie super raide sous le col de l’Aigleton, je discute avec un parisien motivé qui serre les dents. Je lui donne des tuyaux car je suis un peu dans mon jardin, d’été comme d’hiver. Sous le col une pancarte recommande d’être discret du fait de la présence de marmottes et de chamois ! Et en effet j’en vois.. ! …En peluches.. . Blague des bénévoles qui tout le long du parcours (500 bénévoles !) sont dispos et encouragent les coureurs. Je me suis promis que si je termine et si le calendrier le permet, l’an prochain je serais bénévole !
La bucolique pente herbeuse file à gauche et abouti à une source que je ne connaissais pas.. bien utile. Plus bas en traversant une zone tourbeuse humide peu raide qui ne m’inquiétait pas je dérape … et pars en glissade lente dans la boue noire sur 4-5m ! Bien crado je me nettoie dans le lit du torrent, seul le sac gardera des traces… mais peut-être aussi un bâton carbone car 10 minutes après en poussant dessus il casse net ! Tout neuf ! Grrr ! Je le mets sur mon sac, en me disant que le bâton de rechange m’attend au prochain ravito. La première partie sur la croupe, régulière et exposée au vent, se passe bien. En revanche la chaleur est maximale dans la cuvette sous le col de la Vache, gros ralentissement sous un soleil qui tape fort l’univers ultra minéral environnant. Les 4 personnes dans mon champ visuel ne sont pas mieux ! Les aliments solides ont du mal à passer.. Bronzage express dans les pierriers. Un vendredi vraiment chaud ! Heureusement samedi s’avérera plus frais!
Au col on sent que la journée est en train de tourner. Descente technique avec 2 autres traileurs, contrairement à la reco aucune neige pour surfer…
Ca se couche puis débute le plateau des « 7 laux »… Un des 2 accélère sur le plat et je me cale sur le second, un Master qui trottine à bon rythme, on discute un peu.. au bout de 30 minutes à court d’eau il s’arrête boire à un torrent avec une paille filtrante… à priori efficace mais très lent.. je file ! Secteur toujours aussi joli… Au bout des lacs on passe à l’ombre, la section suivante se confirme être dans la catégorie casse-pieds !! Arrivé à un chalet on entend et on voit très bien la ‘Base Vie’ cependant on doit faire le tour complet du vallon.. et ça commence par une remontée qui couine un peu (enfin c’est surtout moi qui couine). Je discute avec un jeune qui vise les 38H et me dit que je vais faire pareil si on continue comme cela.. oui.. si !
Tiens, des arbres ! une forêt ?! Ca dépayse après une journée en altitude (40km consécutifs à plus de 2000m qu’ils disent !). Contrairement à la reco du début d’été les deux gros torrents se traversent sans avoir de l’eau aux chevilles ! Pas plus mal ! Plaisir d’atteindre la cabane au pied de la piste de ski des vallons du Pra, signal que maintenant ça va dérouler jusqu’à la base vie, atteinte alors qu’il fait encore bien jour.
19H50, la base vie confirme sa réputation de très, voir trop, étalée. Impossible de se laver là où on peut se changer. Je fais donc des allers et retours à un robinet dehors. Changement de fringues, mobilisation de la 2nde paire de Hoka et … je récupère mon bâton de secours ! Je vois Liess qui a une douleur à la cuisse mais est prêt à réattaquer. Un traileur tranquille me dit qu’il abandonne faute de jus. Tout près l’hélico de l’organisation fait plusieurs navettes, pas glop ! Je vais profiter du repas avec pâtes/bolo (est-ce une bonne idée la sauce bolognaise pour la suite ?!). Je téléphone à Christopher pour lui donner des nouvelles et lui demander d’amener un autre bâton au cas où, puis vais tenter de faire une sieste alors qu’il est trop tôt. Adrénaline.. au bout de 15 minutes je me relève pour partir … beaucoup trop de temps passé sur place (1H30 !) pour au final ne pas dormir.
Le Pleynet – R6 Gleyzin – Mais où ont-ils donc caché le showroom literie d’Ikéa ?
La nuit est tombée, je repars en courant dans la descente avec à la main ma bouteille d’Icetea commencée à la base et supposée me maintenir éveillé pour éviter l’endormissement vécu à l’UTBV (ma première et seule expérience de trail avec nuit complète). Plus loin un speedo me double en courant en pleine côte, je double une traileuse peu à l’aise la nuit. Je rejoins le pied de la montée de la Grande Valloire … A nous deux « Belledonne Nord », une séparation plus dans les esprits que géographique … car si comme beaucoup de Grenoblois, avant les recos j’y avais rarement traîné mes semelles (« c’est moins montagne »), un ami d’Allevard m’a confirmé que très peu des locaux connaissent le sud (« il y a trop de monde »).
Là encore chemin connu, ça va bien au début mais mon esprit est vite obnubilé par … une envie de lit et de couette moelleuse que je rêve disposés au bord du chemin… grosse envie de dormir… C’est raté pour l’icetea… j’avance pas mal quand même, cependant, arrivé au mini ravito du chalet de la Grande Valloire, dans un cadre que je sais magnifique.. de jour, un grand feu de bois me tente trop… encore raté, au bout d’un quart d’heure, sans avoir dormi (grosse ambiance sonore à la cabane !) je redémarre. Je croise (oui : ‘croise’) une traileuse qui ne fait pas la course et me dit souvent courir de nuit.. A minuit, en pleine montagne, avec les patous qui veillent ? Osé ! Plus loin l’accès au refuge du lac du Léat est tracé par des guirlandes multicolores au sol. Un orage lointain et quelques gouttes de pluie, ce seront les seules des 149km. Un ‘tit jeune qui n’en veut me rattrape, on papotte, je lui colle au train jusqu’au ravito. Merci à lui ! Aucune douleur aux jambes !
01H40, ravito superbe (bergerie) et très sympa. Faute de podologues avant Super Collet, je ne peux montrer mes pieds. Je fais l’erreur d’une 3ème tentative de dormir.. Au bout de 10 minutes pareil… impossible, je repars.
Sur des conseils donnés depuis, la prochaine fois que j’aurai trop envie de dormir je tenterai la méthode de s’habiller au max et s’allonger sur le bord du chemin ! ’Et quand le froid te réveille tu relances la machine’. A minima j’éviterai le sympathique brouhaha inévitable des ravitos.
Gleyzin – R7 Périoule – « C’est le Morétannnn… on serre les dennnnts »
Allez, un petit D+ de 1400m au menu de la seconde partie de la nuit. La montée au refuge de l’Oule, que je connais tant en hiver qu’en été, se passe bien… enfin si on tient compte des kms déjà déroulés. Micro pause au refuge et j’attaque le Morétan. Peu après une grosse ampoule pête.. douleur super aigüe (« ça reste des ampoules, rien de fondamental » j’essaye de me dire !), j’enlève la chaussure mais en pleine nuit avec juste des pansements pour des pieds super humides et vu le terrain raide inconfortable pas grand-chose à faire. La douleur va durer un peu puis mes pieds se lasseront de me faire mal ! Arrivé dans le champ de blocs je comprends que je serai bien loin des conditions des 2 recos : de nuit et dans les nuages, sans aucune neige pour tracer direct. L’ascension du col, partagée avec 2 traileurs, est épique et la plus marquante de l’EB : on vise un fanion, on le rejoint en zigzagant entre les gros blocs, voir en sautant de bloc en bloc, bon sens de l’équilibre requis, malgré la fatigue.. et de bons réflexes pour quelques retournés en urgence quand l’élan est insuffisant. Au fanion on cherche dans la nuit et le halo de brouillard formé par la frontale le suivant et ainsi de suite…Et au loin on entend les bénévoles placés au col et invisibles hurler périodiquement « C’est le Morétannnnn, … On serre les dennnnnts !». Ambiance !!
Il fait froid au col. On file. On trouve rapidement plus de 100m de corde fixe sur de la neige béton.. dangerous ! on est loin des glissades à fond dans la neige molle des recos ! Heureusement j’ai le pied ‘marin’… Puis c’est la fameuse moraine raidissime avec là aussi plus de 100m de corde fixe, pas indispensable mais qui permet d’aller vite. Ca se couche, voici encore des lacs et … le jour commence à se lever. Samedi, début de la 2ème journée… Je constate de nouveau, après l’UTBV, que quand le jour se lève les hormones réveillent le corps et on a l’impression de recommencer « balles neuves ». Le terrain permet enfin de trottiner à très bon rythme.
6H40, ravito super sympa. Atmosphère de brumes matinales, pause prise sur des sièges disposés autour d’un grand feu ! Le Top des ravitos ! Suis le seul en tee-shirt. Une tchèque, revenue spécialement pour refaire la ‘vraie’ intégrale car en 2018 celle-ci avait été amputée de plusieurs passages clés du fait du mauvais temps, a le moral en berne : elle va abandonner, douleurs à la jambe…
Périoule – R8 Super Collet – Toujours se méfier des petits…
Je repars entouré par la brume. La longue partie plate est suivie d’une non moins longue descente pas hyper jolie et parfois casse gueule plutôt bien gérée. Je me ménage en prévision de ZE raidillon ‘petit mais costaud’ de l’EB, qui surprendrait les traileurs si le roadbook ne le précisait ! Fond de vallon, 5 minutes de piste forestière puis j’attaque la montée connue pour son aspect barbant et raide, avec ‘uniquement’ 600m de dénivelé, à un rythme si ce n‘est rapide à minima très régulier sans pause, le gars devant prend de l’avance, les deux derrière moi disparaissent rapidement. On passe à côté du refuge de la Pierre du Carré où après notre week-end ‘off the road’ avec mon fiston Corentin on avait pris un ‘goûter montagnard’. Je le sais, les montagnes russes jusqu’à Super collet sont sans fin. Enfin le petit col avec vue sur la 2nde base vie. Ne pas regarder ceux qui en ressortent déjà ! Les 100km depuis Vizille sont franchis…
9H50, la seconde base vie. Christopher est là !! A force d’essayer vainement de dormir (au moins je me suis un peu allongé) mon avance à l’arrivée au Pleynet a fondu, je suis maintenant pilepoil dans mon horaire.. ça ne va pas durer… entrée en scène des podologues ! C’est la priorité absolue. Ca tombe bien un est dispo pour me triturer les pieds et leurs environ 10 ampoules… J’en profite pour manger.. et voir passer Mimi Kotka à fond sur le 87km parti derrière nous du Pleynet.. elle abandonnera, as usual semble t-il ! Christopher m’aide bien en allant chercher des boissons et de la bouffe. Top !
Super Collet – R9 Val Pelouse – Où qu’il est passé l’amateur de D+ ?
Encore 1H passée au ravito… reprise. Je commence à me faire dépasser par des coureurs des 60 et 87km .. ce qui sera parfois frustrant (et on ne sait pas forcément s’ils ne sont pas sur l’intégrale) et ralentissant sur les singles où on doit s’écarter. Parti depuis à peine 5 minutes je réalise que j’avais prévu de recharger ma montre (recharge prévue aussi pour Le Pleynet mais j’avais encore de la marge) avec le chargeur spécialement acheté pour l’occasion et présent dans le sac de délestage… l’urgence ‘podologistique’ me l’a fait oublié.. Ma montre s’éteindra 2H après.. Et comme en plus j’ai oublié de prendre mon roadbook toute la suite de la course se fera dans un « brouillard spatio-temporel ! » qui ne me dérange au final pas plus que cela.. « On avance, on avance c’est une évidence »… je demanderai juste l’heure 2 ou 3 fois…
Les pistes de ski de Super Collet, pas funs, sont suivies de crêtes brumeuses plus longues que dans mes souvenirs ! Puis c’est la descente dans le magnifique vallon de Claran, même s’il n’a plus les rhodos en fleurs du début de l’été. Si la traversée pique un peu je réussi à garder une bonne foulée jusqu’au chalet de Pré Nouveau en bas du vallon.
Puis « c’est le drame ». La remontée au refuge des Férices se fait bien moins vite qu’avec Corentin. Je suis sur un rythme lent qui semble inéluctable. Je me dis parfois « accélère, tu peux aller plus vite ?! » ce qui est vrai mais avec le risque de m’exploser.. je préfère rester sur le rythme que mon corps m’impose. Arrivé au mini refuge non gardé où nous avions dormi avec Corentin, niché dans un cadre exceptionnel, un des plus beaux de Belledonne (et ses lacs et vallons sauvages, je recommande !) Part de gâteau et morceau de chocolat surprises et bienvenus ! Il faut bien y retourner pour la 2nde partie de l’ascension et je sais que ça ne va pas aller plus vite que pour la 1ère ! Je perdrai 1H sur le tronçon depuis Pré Nouveau. Au moins je bénéficie du panorama exceptionnel et des crêtes aériennes. Je me motive car je m’approche de Romain et Marie, deux amis du Défi de l’Oisans, bénévoles au sommet …. Romain a dans son sac les deux dopants persos que je lui avais passés avant : une bouteille d’icetea et des gâteaux apéros bien salés et goutus qui changent des ravitos. Je n’ai pas fini de les déguster que, surprise, Thierry Guelff se pointe à ma rencontre ! Mieux que le ravito perso pour recharger le mental ! Les crêtes et la descente qui suivent sont longues mais de plus en plus roulantes et les jambes vont bien en descente.. les discussions avec Thierry égayent le moment. Je ne me reconnais plus : mieux en D- qu’en D+ ! Comme quoi la fatigue peut remettre en question les points forts des plus courtes distances. Quelques petites remontées puis c’est le ravito spacieux.
17H, Thierry s’en va vers de nouvelles aventures ! Super merci à lui ! Pause assez courte. Il n’y a pas de podologue.. j’ai déjà perdu assez de temps dans l’étape !
Super Collet – R10 Le Pontet – Dans le dur qui dure
Reprise la tête un peu dans le pâté et en n’ayant pas assez pris de nourriture pour la suite, plutôt serein car même s’il reste encore 31km, le plus dur est passé maintenant ! « La route est droite mais la pente est raide » .. et n’est rapide pour personne. A un col je double un jeune traileur de l’intégrale qui boîte très bas, supporté par 2 copains venus en urgence pour l’occasion. Il a bien l’intention de terminer, quitte à finir sur les genoux car la barrière horaire est loin derrière… Motivé motivé !!!
La descente le long d’une ancienne moraine couverte de rhodos est superbe.. Petite pause à la source du ‘Gargotton’ puis c’est l’avant dernière montée …Le jour décline et après plus de 35H sans dormir j’ai de légères hallucinations. Des motifs du sol (cailloux enchassés,..) qui prennent des formes d’objets, ou un rocher au loin qui semble être un chalet. Rien à voir avec des récits entendus de traileurs qui parlent à des objets ou à des personnages fictifs. Je débute la très longue perte d’altitude jusqu’au dernier ravito par de beaux effets de soleil couchant sur les crêtes… Plus vraiment possible de terminer de jour donc.. pas bien grave .. si je termine… On sent que c’est la fin de la partie alpine du trail.. on s’approche de l’extrémité nord du massif et ses grandes forêts.
J’ai du mal à maintenir la cadence sur cette descente longue et très monotone constituée de routes forestières .. J’alterne quelques pas de marche avec de la course. La montagne est bien terminée !. A un ravito improvisé et un peu à court de carburant je ne peux refuser la chipo grésillante qui sort du feu de bois… un régal… Le fond de la vallée approche mais les derniers kms à plat avant le ravito sont longs et très peu balisés et comme je dépasse des lumières avec de la musique je commence à penser avoir raté le ravito ! En fait je ne serai pas le seul trompé par cette fête qui n’a rien à voir avec l’EB.
22H20, le ravito. Plaisir immense d’être accueilli par Christopher qui est là pour la 3ème fois depuis Vizille (bon 2ème car vu qu’à l’Arselle je l’ai manqué) et avec Armelle, une amie de Christine, un support bien utile car « une très légère fatigue » se fait sentir comme le montrent les photos prises par Christopher !
Là encore, je me précipite sous la tente du podologue.. qui lui ne se précipite pas du tout (1 heure !) il faut dire qu’il ne sait plus où donner de la tête et de la seringue. Mes pieds terminent avec des pansements de toutes les couleurs. Christopher me ravitaille avec des soupes avalées illico …soupes additionnées de tonnes de fromage qui font passer ce dernier comme une lettre à la poste ! Astuce d’un traileur en début de l’EB à qui je disais que l’emmental ne me faisait pas envie..
Le Pontet – Arrivée Aiguebelle – Ca sent l’écurie ! (et moi le poney…)
Redémarrage bien reposé par cet arrêt prolongé par la force des choses. Pas le temps de trottiner, ça attaque raide. On a l’impression que pour la dernière côte les organisateurs ont prévu le bouquet final : court et « dré dans le pentu » ! Reposé, ‘ça gère’. Suit une longue partie plutôt plate qui me fait prendre conscience que les jambes répondent toujours étonnamment bien et que les podologues ont fait du super boulot… ainsi quand commence la dernière descente de 1000m je pars en mode course rapide et ça tiendra jusqu’au bout ! Je résiste au retour d’une vingtaine de frontales derrières moi, ‘marre de me faire doubler’…Bon à l’arrivée je verrai que c’était principalement un groupe de coureurs du 60km ! Je n’aurai pas imaginé finir à fond avec des dizaines d’heures et quasi 150km dans les pattes (mais je n’aurai pas non plus imaginé que mon coup de moins bien soit en montée…)
Arrivée – Tout ça pour taper dans la cloche !
Rester plein gaz sur les derniers 500m à plat demande un peu de motivation … mais ça y est, 2H20, l’arche est franchie. Pour 1 fois je me fais photographier, histoire d’enregistrer l’évènement. Je prends la fameuse cloche en main mais ne la fais pas sonner, elle aussi a droit de se reposer. Peu après un traileur copain de grimpe Stéphane m’interpelle…il a veillé pour m’attendre à l’arrivée ! Je récupère le lot finisher (un sac de voyage ‘griffé EB’ de qualité), on mange ensemble, on discute un bon moment puis rêvant d’une bonne douche et d’un bon lit je file back at home au lieu de profiter des lits de camp… Mauvaise idée… au bout de quelques kilomètres et une bifurcation évidente ratée je préfère arrêter les dégâts et me garer sur un petit parking… je ne me réveillerai que 4H après !
Bilan final en deux mots : une super expérience.
Ampoules, tentatives pour dormir mais aussi coup de mou aux Férices ne m’ont pas permis de faire le temps estimé mais je ne visai que de terminer donc hyper satisfait.
Finisher de l’EB intégrale sans problème majeur pour moi ça a signifié pas de problème digestif en entrée .. ou en sortie ! réussir à s’alimenter et à boire en continue (j’ai estimé avoir bu plus de 30 litres !), penser à faire les pleins d’eau et de nourritures dès que possible, pas d‘insolation ou de coup de froid, pas de chute (fréquent en regard de la super technicité du terrain) hormis un peu de luge sur boue, pas de blessure, pas d’articulations qui grincent (comme j’ai déjà eu) , pas de dos bloqué, pas de mental qui dit stop.. autant de problèmes que j’ai vu pousser à l’abandon des traileurs .. et problèmes que je remercie pour m’avoir oublié. Ok, les ampoules, elles, ne m’ont pas loupé !
Ca veut aussi dire une prépa adaptée (juin et juillet ont été des records de dénivelés pour moi).
Ca veut dire retrouver des chemins déjà connus et ainsi le plaisir de dérouler et enchaîner toutes les portions une par une.
Et aussi bien sûr bénéficier d’un support sans faille de la part d’amis, pour ma part en 6 endroits
Mais, et ce n’était pas gagné au départ, cela a été un vrai plaisir tout du long, malgré les 2-3 coups de moins bien, aucun arrêt à cours de jus ou de jambes coupée. A aucun moment je ne me suis dit « qu’est-ce que je fais ici ? », contrairement à 1 ou 2 trails précédents..
Plaisir d’être là haut, dans un massif de montagne sauvage malgré sa proximité avec Grenoble, en voir tous les aspects, plus haute montagne au sud mais plus sauvage au nord (qui a été une découverte pour moi) et qui donne envie de le refaire en mode plus tranquille par le GR738.. des amateurs ??