Nice – Côte d’Azur, 100M
A quelques jours de la course, j’angoisse quand même un petit peu : c’est qu’un premier 100 Miles, ce n’est tout de même pas rien ! J’ai choisi sans trop hésiter le Nice Côte d’Azur du circuit UTMB, un parcours vraiment alléchant entre Mercantour (que de souvenirs) et la côte, avec une arrivée prévue sur la Promenade des Anglais à Nice. Ça envoie du rêve, et puis, si ça passe bien, ça fera quelques Running Stones en plus en espérant que le tirage au sort de l’UTMB me soit enfin favorable !
Pour pouvoir gérer mentalement une telle durée, j’ai divisé le parcours en trois sections séparées par des bases-vie :
- D’Auron à Saint Sauveur sur Tinée. 63 km / 3 560 mD+ / 4 850 mD-. Parcours typé montagne, d’Auron à Saint Sauveur sur Tinée, une distance que je maîtrise à peu près ;
- De Saint Sauveur sur Tinée à Levens. 51 km / 2 950 mD+ / 2 750 mD-. Transition entre montagne et proximité de la mer. Distance déjà faite une fois, avec pour perspective un chouette lever de soleil sur les montagnes ;
- De Levens à Nice. 46 km / 2 150 mD+ / 2 650 mD-. L’inconnue complète, je serai certainement super lent, mais je me dis que si je n’ai pas de bobo, l’arrivée sera en vue et il n’y aura plus qu’à tenir.
J’ai passé des heures au carré à étudier le parcours et à essayer de prévoir mes horaires. C’est complètement idiot, car au final c’est bien le terrain et la forme du jour qui décident, mais bon, ça rassure un peu tout de même … allez, on va partir sur une arrivée dimanche matin pour le lever de soleil sur la mer, ce serait chouette.
La météo nous annonce de la pluie, du vent fort, et de la neige sur la première section, qui monte à 2 700 mètres d’altitude. L’organisation active le « kit grand froid », tant qu’à faire, hein … mais assez gambergé, il est temps de poser le cerveau et d’y aller !! De toute façon, j’ai fait une bonne préparation, avec pas mal de volume et aucune blessure … et puis après tout le seul risque c’est de ne pas finir !
D’Auron à Saint Sauveur sur Tinée. Vendredi midi à samedi 1h15 du matin
Mouvement de foule, c’est la Présidente qui arrive. Tout le monde applaudit, elle sourit, fait coucou aux autres coureurs, décontractée … trop sympa cette Courtney, tous les bénévoles sur le parcours seront sous le charme !
Waouhh, cette ambiance !! Tout le village de Saint Etienne de Tinée est dans la rue pour encourager les coureurs, il y a au moins 50 gamins qui hurlent, c’est trop sympa !! On tape dans les petites mains en passant, quel chouette moment. Ce sera un de mes grands souvenirs de cette course, tout le long du parcours on sera encouragés, merci merci merci les spectateurs !
Ca y est, c’est la section de haute montagne, entre le refuge de Rabuons et Isola. Sensations vraiment pas terribles, souffle court, pas de jambes, je me demande vraiment si ça va être possible ce machin ! De toute façon, tant que je peux avancer et que les barrières horaires ne me rattrapent pas, je continue.
Des paysages splendides, le Mercantour dans toute sa splendeur, c’est magnifique. Chemin assez Belledonnien, puis plus de chemin du tout, ça se passe à slalomer entre les rochers en s’aidant parfois des mains, à se prendre les pieds dans les myrtilliers en dévers, c’est long, pas roulant, mais sympa.
Il pleut assez fort, avec du vent, il fait vraiment froid, on est trempés … ça y est, c’est la descente vers Isola. 1300 mD- sur une merveille absolue de single track, quel bonheur, je voudrais vraiment y revenir avec les copains, les gars j’ai gardé la trace !!
Isola, 19h. La nuit tombe, c’est terminé pour la haute montagne. Je ne vais pas trop m’arrêter, de toute façon je suis trempé et gelé, ce ne serait pas l’idée du siècle.
Les montées et les descentes s’enchaînent dans la nuit, dont une descente absolument infernale avant Pont de Paule, sur laquelle on tient à peine debout, c’est compliqué mais ça passe !
Saint Sauveur sur Tinée. Ah zut, ils ont mis le ravitaillement dehors. Avec ce froid, il ne va pas falloir traîner. Je récupère mon sac d’allègement, change de T-shirt, grignote un brin … et j’hésite : est-ce que j’essaie de dormir un peu ? Allez, j’essaie, mais impossible de fermer l’œil et de toute manière, je grelotte sans discontinuer malgré toutes mes couches de vêtements. Seule solution pour espérer se réchauffer, hé bien repartir !! Heureusement que j’ai pris une veste de plus que le matériel obligatoire, une bonne décision. Moment un peu difficile quand même.
De Saint Sauveur sur Tinée à Levens. Samedi 1h15 du matin à samedi 17h30
J’ai mis un peu plus de temps qu’espéré sur la première section, mais j’ai 5 heures d’avance sur la barrière horaire et pas de bobo, le moral est plutôt bon. En plus, je reçois des petits messages d’encouragements, c’est sympa, ça fait du bien !
La nuit, l’esprit divague quand même un peu … alors je me demande pourquoi ? Pourquoi faire ce machin ? Après un bon moment de gamberge, je conclus qu’il y a deux choses que j’aime tout particulièrement là-dedans :
- le voyage, la découverte du kaléidoscope des paysages, voir les étoiles la nuit, le jour se lever sur les montagnes … du coup je ne refais jamais deux fois la même grande course !
- la machine à sensations fortes et aux souvenirs : une ambiance, un beau chemin à courir, une rencontre … tout s’imprime plus fort dans le cerveau, c’est fort.
6h du matin, c’est jouable pour le lever de soleil au Caire Gros, le dernier sommet à plus de 2000 mètres du parcours. Allez, grosse montée, on y va ! Sérieux c’est un vrai KV ce machin, en plus c’est un peu verglacé, ça glisse, mais la récompense est là : au nord, les sommets enneigés du Mercantour, au sud la mer, magique !! En plus, petit message d’encouragements de Céline, ça fait du bien, ça réchauffe … à l’intérieur !
10h du matin, ravitaillement des granges de la Brasque. Une forêt magnifique, le soleil commence à chauffer. On peut retirer les vêtements de froid, c’est du plaisir. Les bénévoles sont adorables, comme partout sur la course, vraiment très au-dessus de tout ce que j’ai vu jusque-là. Grignotage, marre du bouillon aux vermicelles, mais il n’y a que ça de chaud …
14h15, Utelle, km100. Trop cool, je retrouve Grégoire, mon filleul. Ça fait du bien au moral et c’est reparti pour la deuxième base-vie. Plus que 60 km !
17h30, arrivée à Levens, la deuxième base-vie. Alléluia, il y a enfin des pâtes !!!! Je m’en gave bien comme il faut, perds du temps à trier mes affaires, je me mélange complètement les pinceaux, je réalise que je perds ma lucidité sous l’effet de la fatigue. Calme, on se pose, on a le temps, on n’est pas à deux minutes près. Je reprends le tri, et c’est bon, je suis prêt et c’est parti pour la dernière (longue !) ligne droite.
De Levens à Nice. Samedi 17h30 à dimanche 7h40
Toujours pas de bobo, toujours 5 heures d’avance sur les barrières horaires, ça sent plutôt bon mais je ne couperai pas à une seconde nuit dehors et je ne serai pas super loin de ma prévision. Petit moment difficile quand je fais le calcul : reste 46 km, c’est une grosse rando OK, mais à ce rythme ça fait plus de 10 heures quand même. Pfff, c’est long quand même …
Allez, en route !! Ça commence par une grosse montée, mais finalement ça ne se passe pas trop mal, manger des pâtes après plus de 24 heures à grignoter à droite à gauche, ça fait du bien !! On est un bon petit groupe avec des concurrents du 100 km, le rythme est correct dans la montée, mais il y a tout de même 1200 mD+, ça pique un peu mais ce n’est pas désagréable.
On entre dans un autre monde : tout le monde est fatigué, c’est moins le mode course, on prend plus le temps aux ravitaillements, on est tous à peu près au même rythme. Du coup, on discute plus entre coureurs, c’est autre chose, c’est sympa.
Dernière grosse section entre deux ravitos : 12 km et 1200 mD- ça n’a l’air de rien, mais avec la fatigue, je réalise que je me sens bien dans l’heure qui suit le ravito et après, grosse baisse d’énergie. J’en ai marre des descentes techniques, marre des cailloux, je les insulte dans ma tête. En revanche, pas de nouvelles des hallucinations promises par les copains, je ne dois pas avoir assez d’imagination.
Je parviens à faire une mini sieste de 10 minutes à Tourette Levens, yessss !! Et go pour les 25 derniers kilomètres. Une certaine excitation m’envahit, ça va le faire !
Les points de contrôle s’enchaînent … je commence à regarder un peu les dossards autour de moi : les verts (100 K), je peux les laisser partir, les rouges (100 M) sont à surveiller, je ne les laisse pas quitter le ravito avant moi. De toute façon, je ne m’arrête plus que le temps de boire et grignoter rapidement un peu de pastèque ou de chocolat.
Ca y est, c’est l’arrivée à Nice ! Le haut de la ville, puis les escaliers, puis le chemin des douaniers, puis l’arrivée sur le port. Il y a un gars à côté de moi qui commence à trottiner, arghh, un dossard rouge, on ne va pas se laisser faire ! Et miracle, j’arrive à courir sans trop de difficulté. J’accélère un peu, c’est trop bon, les sensations sont hyper bonnes, je vole … enfin presque, la vidéo de l’arrivée sera très cruelle sur ce plan !
Euphorie, joie, émotion, je serre les poings en courant, parcours les 2,5 derniers à près de 10 km/h, c’est une des plus belles sensations de course de ma vie, et après 43h40 c’est enfin l’arrivée !
Je récupère mon cadeau coureur (une serviette et le même verre à bière qu’au trail du Saint Jacques, heureusement que je n’étais pas venu pour ça … bof) et file vite vite à la douche et au dodo car je suis crevé et gelé, l’effet de la fatigue certainement.
Au bilan perso :
- une course zen du début à la fin, aucune pression avec les barrières horaires, pas de bobo, des choix plutôt bons au niveau vêtements et gestion du temps ;
- plein de messages sympas, ça fait trop trop plaisir et ça aide vraiment, même de loin. Merci merci à toutes et à tous et un clin d’œil tout particulier à Céline M, tes messages m’ont vraiment énormément aidé, t’es top !
Du côté de la course :
- Les tops, presque tout : parcours, organisation, bénévoles, public, trace, balisage, absolument parfaits
- Les flops. Pas de pâtes avant le km 115 et cadeau finisher bof bof
Et maintenant, c’est quoi la prochaine ?